Eloge de l’aube et du crépuscule à la manière butô

26.04.2019

TexteRebecca Zissmann

Obscurité. Lumière. Les corps entrent en scène, poudrés de blanc, presque nus, accrochant le regard. Ils se déplacent avec lenteur, détachent chaque geste, le décortiquent comme pour en retrouver l’essence. Et soudainement, c’est la torsion. Une chorégraphie au mouvement souvent contre-nature. C’est le principe du butô, danse contemporaine radicale née sur les cendres du Japon d’après-guerre qui exprime l’idée de néant et les pulsions de mort d’un peuple désorienté par la défaite et la bombe atomique.

Arc – Chemin du Jour est la nouvelle création du chorégraphe Ushio Amagatsu, révélée en exclusivité mondiale au Théâtre de la Ville fin avril. Membre de la deuxième génération des danseurs butô, après ses fondateurs Kazuo Ohno ou Tatsumi Hijikata, Ushio Amagatsu forme sa compagnie de danse Sankai Juku en 1975. Cet « atelier de la montagne et de la mer », éléments fondamentaux au Japon, place la Nature au cœur de ses spectacles. Ici, ce sont l’aube et le crépuscule qui sont mis en exergue par les sept danseurs dans un « chemin du jour » qui nous transporte dans une autre temporalité.

L’émotion dégagée par la pureté des gestes, plus particulièrement par la minutie des ports de bras, alliée aux expressions exagérées des visages et aux pas rituels, rend le spectacle hypnotique. D’autant plus que le dépouillement de la scène et le minimalisme des accessoires mettent en valeur la virtuosité des interprètes. Pour la première fois, Ushio Amagatsu n’est pas avec eux sur scène. Il a senti que la pièce appartenait aux danseurs et les a laissés l’interpréter. Tout comme les spectateurs qui, novices ou adeptes des codes du butô, se laisseront toucher par sa grâce.