Prodige de la sculpture sur sucre, Shinri Tezuka ranime une tradition ancestrale

©Asakusa Amezaiku Ameshin
Dans ses deux boutiques de Tokyo, Shinri Tezuka, 29 ans, donne un nouveau souffle à l’art de l’Amezaiku, qui consiste à sculpter du sucre. Très populaire au 19e siècle, cette pratique compte aujourd’hui moins d’une centaine de représentants dans tout le Japon.
Il faut dire que l’Amezaiku requiert minutie, agilité mais aussi résistance à la douleur. Pour réaliser ces sculptures comestibles, Shinri Tezuka plonge ses doigts dans une pâte de sucre chauffée à 90°C. Le mizuame, un sirop fait à base d’amidon de riz ou de pomme de terre, lui brûle inévitablement les phalanges. À l’aide d’un ciseau, Shinri Tezuka en découpe une petite boule blanche, l’embroche sur un pic… et entame une course effrénée contre le temps : avant que le sucre ne se solidifie à nouveau, il ne dispose que de cinq minutes pour modeler la forme de son choix — un crapaud, un poisson ou un simple ovale qui servira de toile à un paysage miniature. L’artiste donne ensuite vie à son œuvre. Au pinceau, il applique plusieurs couches de colorant translucide, avec une nuance spectaculaire pour une si petite surface. En tout, l’opération aura pris un peu moins d’une demi-heure.
Si les sources divergent au sujet des premières traces de ces sucettes, celles-ci remonteraient à la période Heian, entre les 8e et 12e siècles, époque à laquelle elles auraient été confectionnées pour servir d’offrandes aux temples. Mais c’est à la fin de la période Edo, au 19e siècle, que l’Amezaiku s’est intégré dans la culture populaire et a ravi le cœur de familles, les enfants en première ligne.
À l’époque, la sculpture de sucette devient une incontournable des festivals de rue. Loisir par excellence, elle fait partie de l’arsenal des itinérants de l’époque, qui voyagent de ville en ville et ravissent les passants avec leurs tours et leurs histoires drôles. Sous les regards ébahis, il portent une paille à leur bouche et soufflent le sucre comme on souffle le verre. Ils en tirent des créatures magiques, si belles que d’ordinaire, personne ne se résout à les manger.
Lorsque dans les années 1970, le gouvernement japonais a interdit cette technique par mesure d’hygiène et limité la vente nomade de nourriture, l’Amezaiku s’est raréfié (même si c’est lors d’un festival de ce type que Shinri Tezuka a découvert son existence et décidé d’en faire son métier). Mais ces dernières années, il a retrouvé un nouvel élan sur les réseaux sociaux avec un public fasciné par tout ce qui mêle, de près ou de loin, nourriture, animaux et créativité.
Les créations du jeune homme lui donnent aussi une autre dimension. Elles s’éloignent du tout kawaii (le mignon à outrance) au profit d’animaux plus réalistes, parfois même effrayants, comme ce calamar au regard perçant ou ce poisson-scorpion à la bouche béante. Car si l’on apprend aux grands débutants à façonner un lapin, la forme la plus simple, les possibilités qu’apporte la maîtrise sont infinies. À la manière d’un créateur de mode, Shinri Tezuka propose des sucettes en série limitée, dont la production rythme les saisons.

©Asakusa Amezaiku Ameshin

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