Le goût du saké révélé par le fromage

06.10.2019

TexteRebecca Zissmann

Au Pigalle Fromage-Club, fromage et saké vont de pair. Ce bar du 9e arrondissement de Paris compte bien changer l’image d’un alcool trop souvent assimilé à un digestif alors qu’il se boit comme du vin blanc. L’idée originale séduit les clients qui, venus avant tout pour le fromage, repartent heureux d’avoir découvert de nouvelles saveurs et la complexité du saké.

D’abord, on choisit le plateau de fromages. Puis l’équipe propose un assortiment d’au moins trois sortes de saké présentés de manière pédagogique pour ne pas perdre le public novice. Pour accompagner un fromage frais par exemple, c’est un saké plutôt sec qui sera choisi, alors que les fromages affinés se goûtent mieux avec un saké fort en goût. Pas de dépaysement ici, le saké est servi dans un verre ballon propice à l’apéritif et traditionnellement réservé au vin.

Côté ambiance, le Pigalle Fromage-Club ne fait pas dans le tout japonisant. Les fromages et petites entrées ne se dégustent pas à la baguette mais bien avec des couverts. On peut tout de même s’extasier devant la vaisselle en céramique, œuvre de l’artiste japonaise Yuuko Watanabe, amie du propriétaire.

D’ailleurs le fondateur du bar, Yves de Roquemaurel, connait bien le Japon. Il y a vécu plus de dix ans et tenait un restaurant français à Shibuya, au cœur de Tokyo. C’est là-bas qu’il développe son intérêt pour l’alcool de riz et décide de le faire connaître à Paris, hors des circuits traditionnels. Une vague de nouveaux chefs japonais commence alors à s’approprier la culture du bistrot à la française. Le moment est bien choisi.

Yves de Roquemaurel est en recherche permanente de nouvelles références à ajouter à sa cave. Il rencontre des producteurs de saké de tout le Japon qui le fournissent en bons crus. De Akita à Hiroshima, chaque région japonaise a son propre saké. Certains sont même récompensés comme le Hakuko Junmai « Label Rouge » de Hiroshima.

Une dégustation idéale commence par le Sekiya « Enter Sake » de la région d’Aichi selon le propriétaire. Frais, il permet d’habituer en douceur son palais aux subtilités des arômes de l’alcool de riz.  Le voyage sensoriel se poursuit par le Rihaku Shuzo, Junmai Nigori, un saké non filtré, d’apparence blanchâtre, presque lactique, qui fait bien ressortir le goût des fromages crémeux. Aux fromages forts, on marie plutôt des sakés vieillis de 10 ou 15 ans, plus boisés. Et pour la touche gourmande en dessert, Yves de Roquemaurel propose une essence au goût fruité exotique, le Umeda Honshuichi Muroka aromatisé au yuzu.

Le Pigalle Fromage-Club prouve que le saké peut être une alternative crédible au vin. Il se prête même aux célébrations en version pétillante, comme le « Phoenix Sparkling » du groupe français du même nom qui, amoureux du Japon, a décidé d’y lancer la production de son saké, comme les stars hollywoodiennes se lancent dans la vigne en France. Yves de Roquemaurel assure d’ailleurs que lorsque l’on aime le vin, on y vient facilement.